Extraits du livre « Les œuvres de Maître Tchouang »
Traduction de Jean Levi éditions
de l’encyclopédie des nuisances
Yi-l’archer qui excelle à tirer sur une cible est impuissant
face à la louange ; le saint est plus à l’aise dans le régime céleste que
dans le registre humain. L‘homme complet, lui, brille dans les deux. Seul l’insecte
sait être un insecte, seul l’insecte sait être parfaitement naturel. L’homme
parfait est-il purement naturel, ou bien s’agit-il encore d’un naturel humain ?
A plus forte raison moi-même suis-je tout nature ou tout homme ?
Quand on étudie, agit ou discute, on est toujours tenté d’apprendre
ce qui ne peut s’apprendre, d’accomplir ce qui ne saurait s’accomplir, de
débattre de ce dont il est impossible de débattre. La perfection consiste à
savoir s’arrêter devant ce que la connaissance ne peut connaître. Ceux qui s’y refusent seront mis en déroute
par le cours des choses.

Le silence et le repos favorisent la guérison ; les
massages temporaux retardent le vieillissement ; le calme apaise la
fébrilité. Toutefois, ce sont là des procédés qui n’intéressent que les gens
harassés par leurs occupations et dont l’homme oisif n’a cure. Aussi ne
prend-il pas la peine de se renseigner à ce sujet. De même, l’homme inspiré ne
s’informe pas des recettes du saint pour amender le monde, le saint de celles
du sage pour amender son siècle, le sage de celles de l’homme de bien pour
amender sa principauté, et l’homme de bien ne s’inquiète pas de savoir comment
l’homme de peu s’y prend pour s’adapter aux mœurs de son temps.
Ceux qui ont des dons manuels s’exténuent, ceux qui ont des
capacités intellectuelles se rongent ; seul celui qui n’a aucun talent, n’étant
jamais sollicité, ne s’occupe que de se remplir la panse et de se divertir. Il
est comme une barque sans attache qui, vide, dérive au gré du courant.
Tchou-p’ing Man apprit le métier de dépeceur de dragon
auprès d’un invalide appelé Yi le difforme. Il lui versa une somme de mille
pièces d ‘or. Au bout de trois ans il avait acquis la parfaite maîtrise de cet
art ; mais celui-ci se révéla parfaitement inutile.
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